Aventures en Korantie 24 — Au coeur du Chaos 2

Note : ce compte-rendu a été rédigé par Erwan, qui joue Malek, avec l’aide de l’ensemble du groupe.

Arrivée à Suthria

Le 4e jour de lanthril de l’an 1218, l’armée achève sa cinquième journée de marche et arrive en vue des murs de Suthria. La petite cité-État de montagne, dont le symbole est le cerf, rappelle Vestrikina par sa taille et son architecture. L’armée y est accueillie par l’archonte polémarque, entouré des officiers du bataillon patriotique de la ville. Sous les ordres du seigneur paladin Entos de Kalyste, les soldats du corps expéditionnaire commencent à établir un campement non loin des murs de la ville.

 L’archonte polémarque de Suthria s’entretient avec les membres de l’expédition. Il les informe que les attaques d’hommes bêtes, loin de diminuer, ont au contraire augmenté récemment. Par le passé, les Suthriens et les Gartharis des montagnes voisines cohabitaient sans gros problèmes et entretenaient des liens commerciaux, mais, depuis quelques années, les tribus des montagnes sont devenues de plus en plus hostiles. Depuis environ 6 mois, des marchands, des fermiers et des forestiers de Suthria ont été victimes d’attaques opportunistes de leur part. On sent un certain soulagement dans ses paroles lorsqu’il livre ces informations. Il souhaite bon voyage et bonne chance aux soldats.

L’expédition stationne quelques jours à l’extérieur de la ville, le temps de s’équiper pour la montagne, de rassembler des informations et d’établir un plan d’action plus précis. Le gros de l’armée est logé dans le campement extérieur, tandis que les aventuriers et certains membres de l’expédition logent dans une auberge de la ville, la Bonne Pinte, qui a été réquisitionnée. Opérant de manière relativement indépendante de l’armée, et ne sachant pas encore s’ils vont l’accompagner ou bien partir en éclaireur, les aventuriers décident de s’équiper afin de pouvoir faire le voyage sans support logistique. Ils achètent une mule qu’ils baptisent du nom de Caramel, ainsi que des provisions, qu’ils se répartissent et chargent sur la mule. Au Prospecteur consciencieux, une échoppe qui semble bien porter son nom, Myrrhée négocie l’achat de matériel d’escalade : piolets, grappins et crampons.

Le lendemain, le 5e de lanthril, Myrrhée et Thémiséon partent à la recherche de marchands qui seraient ou auraient été en contact avec des Gartharis. Un commerçant de la ville rapporte qu’un certain Aloïs est connu pour avoir échangé des biens avec des tribus barbares depuis Grand-Roc, le dernier hameau korantien avant les étendues sauvages. Myrrhée part à sa recherche et parvient à le rencontrer dans une taverne au nom évocateur : Au Couvercle fumant. Elle se présente à lui comme une marchande d’art intéressée par les objets coutumiers des Garthari. Aloïs lui répond sèchement ne plus être en contact avec aucun barbare, mais il semble à Myrrhée (qui réussit son jet d’opposition de sa Perspicacité contre la Tromperie d’Aloïs) qu’il ne dit pas toute la vérité. Pendant ce temps, Althmir, dont la curiosité dévorante est insatiable, fouine dans les différents campements des soldats korantiens, mais se fait vite rembarrer. Malek a vent d’une rumeur selon laquelle les Garthari se préparent à fondre sur Suthria, et une autre disant que certains habitants « chanceux » se sont secrètement enrichis après avoir trouvé de l’or dans les montagnes. Dans l’après-midi, Thémiséon prend les dernières nouvelles auprès d’Entos, qui lui indique que l’avant-garde de l’armée a rencontré des oppositions sporadiques.

Un individu très louche

Les aventuriers se retrouvent à l’auberge pour faire le point sur leur stratégie, un sujet dont Thémiséon a aussi discuté avec Entos dans l’après-midi. On propose d’essayer de contacter des Garthari afin d’en tirer des informations. Si certains ne sont pas encore sous l’influence du Chaos, une coopération est peut-être possible. Si tous sont corrompus, il sera possible d’en capturer et d’en interroger quelques-uns. Dans les deux cas, l’opération sera difficile si les aventuriers se déplacent avec toute l’armée, qui fera fuir les petits groupes de barbares. Une autre possibilité est de partir en avant-garde avec des éclaireurs du bataillon de Suthria, qui connaissent déjà bien le terrain, mais ils ne seront pas forcément d’une grande aide pour localiser le mystérieux pic Perce-Ciel.

C’est cette dernière solution qui est provisoirement retenue. Toutefois, après avoir entendu le récit de Myrrhée, Malek se propose de surveiller les allées et venues du dénommé Aloïs afin de ne pas passer à côté d’une piste potentielle. Le temps étant compté, il part sans délai en direction du Couvercle fumant. À l’abri de l’obscurité naissante, Malek active son talent de Vision Nocturne.

Arrivé en vue de la taverne, l’Assabien se positionne à l’opposé dans la rue adjacente. Le crépuscule le dissimule aisément, dans une position idéale pour l’observation, d’où il peut scruter sans difficulté les allées et venues dans la rue, et même l’intérieur du premier étage de la taverne. La chance lui sourit lorsqu’il aperçoit un homme correspondant à la description d’Aloïs. Ce dernier est accompagné d’un second personnage et tous deux pénètrent dans la taverne, puis s’attablent. Malek leur emboite le pas et, ne trouvant pas de table libre, se met au comptoir. Il commande une bière insipide, caractéristique des goûts korantiens, qu’il commence à boire très lentement. Les deux hommes dinent et n’échangent rien de bien intéressant. Peut-être sont-ils tout à fait innocents ? Ou bien ce lieu n’est-il pas propice à discuter de leurs machinations ?

Une fois leur diner terminé, les deux comparses quittent la taverne par une rue perpendiculaire à l’entrée. Il serait facile de les suivre, mais Malek attend un moment avant de sortir, afin d’être sûr de ne pas se faire remarquer. Une fois à l’extérieur, il commence sa filature. Sur le chemin, les deux hommes recommencent à converser. D’après Malek, leurs échanges se résument à peu près à ceci : « Ce matin, une femme louche est venue me raconter des trucs sur les coutumes garthari et j’en passe. Elle m’a posé des questions sur le trafic. Je pense qu’on est surveillé, tu sais, avec tous ces soldats qui sont arrivés, on sait jamais. » Cependant, la conversation tourne court, les deux hommes prenant conscience qu’il est préférable de poursuivre leurs échanges dans un lieu plus sûr. Ils mentionnent une certaine carrière. Grâce à des jets de Discrétion et Perception réussis, Malek parvient à poursuivre la filature. Les deux étrangers quittent la ville par une des trois portes principales. 

Leur itinéraire nocturne se termine dans une carrière située à une dizaine de minutes de marche de la ville, à proximité d’un petit bois. Des traces récentes d’activité, comme des marques de pioches et de ciseaux, et la présence d’engins de levage et de caisses en bois laissent penser qu’elle est encore en activité. La nuit est noire et la carrière inoccupée. De sa position, Malek distingue parfaitement la scène, mais n’est pas en mesure d’écouter la conversation. L’approche est difficile, car la carrière est située dans un renfoncement plus ou moins circulaire qui ne laisse qu’un seul passage, éclairé en contrejour par la lueur nocturne. Malek décide alors de reculer un peu et d’activer son talent d’adhérence sans prononcer à haute voix les mantras de la voie des Ombres (jet Difficile de Mysticisme). Il escalade discrètement le flanc gauche de la paroi rocheuse afin de se positionner presque à la verticale des deux hommes.

Aloïs dit : « Il faut avertir Lorth à Grand Roc : il n’y aura plus de cargaison après celle-ci, ça devient trop dangereux. Pars demain matin et n’oublie pas le saufconduit. » Le second homme répond que « ce n’est pas nécessaire, car Lorth en a déjà un », mais il se fait sermonner par Aloïs, qui lui tend un objet rectangulaire, du parchemin probablement, que ce dernier s’empresse de dissimuler dans ses vêtements. Les deux hommes se séparent. L’inconnu, qui est, semble-t-il, un sous-fifre d’Aloïs, s’éloigne de la carrière tandis que le marchand roublard reste sur place. Malek voudrait suivre le sous-fifre pour en apprendre plus sur l’objet qu’il transporte, mais il est difficile de sortir de la carrière sans se faire voir d’Aloïs. Un nouveau jet réussi de Discrétion lui permet toutefois de passer à nouveau inaperçu.

Les talents discutables de Malek...

Sur le chemin du retour, à l’intérieur du bois, Malek décide d’assommer l’inconnu. Son style de combat, plutôt adapté aux assassinats à l’arme blanche, ne lui permettant pas de le faire aisément avec son arme, l’Assabien décide d’utiliser une pierre. En dépensant un point de chance, il réussit son jet de Bagarre, et, grâce à l’effet de surprise, dispose de deux effets spéciaux de combat. Malek sélectionne Choisir la Localisation et Étourdir. Après ce coup sur la tête, l’homme s’effondre et tombe inconscient. Malek le traine promptement hors du sentier pour le dissimuler dans le bois et le fouille rapidement à la recherche de l’objet. Grâce à sa Vision Nocturne, il constate qu’il s’agit bien d’une sorte de « parchemin » en peau, similaire à celui trouvé dans le marais coassant dépeignant Jédakiah, et qui porte indubitablement la marque du Chaos : une grande araignée noire surmontant le symbole spirituel des tribus gartharis, une sorte de casque cornu. Cela lui semble bien être un laissez-passer permettant de voyager dans les terres des tribus corrompues par le Chaos.

Tandis que l’homme commence à reprendre connaissance, Malek aperçoit Aloïs revenir vers la ville. Après un instant de réflexion, Malek sort sa dague et tranche la gorge du comparse d’un geste d’expert, tout en couvrant sa bouche avec son autre main. Il rejoint alors discrètement le chemin pour suivre Aloïs. Une fois n’est pas coutume, Malek échoue à son jet de Discrétion et, à peine sorti du bois, Aloïs se retourne. Aloïs s’arrête sur le chemin et Malek tente de se faire passer pour un voyageur lambda rentrant en ville. Aloïs le laisse passer, mais ne poursuit pas son chemin. Arrivé devant les murs de Suthria, Malek passe la porte et se positionne discrètement dans une ruelle afin d’observer le marchand. Toutefois, l’attente ne porte pas ses fruits et Malek se dit qu’Aloïs a dû emprunter une autre porte. Ou bien a-t-il tout simplement déguerpi ? Qui sait ?

Malek retourne à la Bonne Pinte tout en s’interrogeant sur la moralité de son acte, qui fut presque entièrement instinctif. L’Assabien fait signe aux aventuriers de se rassembler dans une chambre. Puis, sous les regards des Korantiens médusés, il sort théâtralement une dague tâchée de sang qu’il lave soigneusement dans l’eau d’un rince-doigt en leur livrant les détails des évènements récents. Le groupe reconnait à demi-mots la nécessité de se débarrasser de ce comparse, mais la brutalité et l’absence apparente de remords de l’Assabien laissent le groupe mal à l’aise. 

Un plan d’action osé

Après avoir confié le laissez-passer à Thémiséon, les aventuriers se concertent. Le laissez-passer leur donne l’occasion de s’infiltrer discrètement dans les monts ozyriens et leur évitera peut-être d’avoir à se battre trop souvent. Pour être plus convaincants s’ils se font intercepter par des sous-fifres, les aventuriers s’inventent des personnages et une histoire. Ils prétendront être en mission sur ordre de Jédakiah, afin de lui rapporter un artéfact important, la « couronne de Chandanar du Royaume rouge » (NdMJ : rien que ça…). Rien ne vaut un mensonge qui a l’apparence de la vérité. Il serait aussi question de l’informer de l’échec de Gul Azar à Borissa. Thémiséon se fera passer pour Xhago Garthinian, le sorcier korantien, et dirigera le groupe. Son statut de sorcier permettra à Althmir de prétendre être son apprenti et de lui éviter d’avoir à faire montre de pouvoirs qu’il n’a pas. Myrrhée quant à elle incarnera la comtesse den Solisti, qui, dans ce scénario souhaite discuter avec Jédakiah de l’enrôlement d’un certain Krytos den Krytosi au sein du culte du Chaos. Vérénys sera sa garde du corps et Malek son esclave.

Les aventuriers pensent que ce subterfuge, bien que reposant sur des informations obsolètes ou tout simplement fausses, sera suffisant pour duper des subalternes crédules, peu regardants ou mal informés. Les nouvelles ne se répandent pas très vite dans les monts ozyriens et le culte du chaos étant en général très opaque et cloisonné, il garde ses nervis dans l’ignorance. La première étape de ce plan est de se rendre à Grand-Roc et d’entrer en contact avec le fameux Lorth pour exiger de lui qu’il fournisse aux aventuriers un guide qui les mènera jusqu’au repaire de Jédakiah.

Les aventuriers réalisent subitement que le culte ne doit pas découvrir la mort du sous-fifre d’Aloïs et le vol de son laissez-passer. Malek repart immédiatement cacher le cadavre qu’il a laissé dans le bois à quelques minutes de la ville. Sous le couvert de la nuit, il active ses talents d’Adhérence et de Vision Nocturne et quitte la ville en passant par dessus les remparts pour éviter les portes. Il retrouve rapidement le corps et part à la recherche d’une anfractuosité dans le sol pour le dissimuler. Une petite doline marécageuse fera l’affaire. Avant de cacher définitivement le cadavre, Malek effectue une fouille plus minutieusement et confirme la présence de marques du Chaos sur la peau de l’individu, sans trouver rien d’autre de notable. L’Assabien retire ses vêtements afin de ne pas les tacher de boue et se met à creuser. Il pousse ensuite le cadavre au fond de la dépression et le recouvre de lourdes pierres, puis de boue et de roseaux. Grâce à l’utilisation d’un point de chance, il réussit in extrémis son jet de Dissimulation. Son turpide méfait accompli, l’Assabien essuie la boue qui recouvre ses bras et ses jambes à l’aide de feuilles, se rhabille et retourne en ville discrètement par le même chemin.

Le lendemain, le 6 de lanthril 1218, Myrrhée s’en va acheter des déguisements pour elle et Thémiséon, et regrette de ne pas l’avoir fait à Agissène, la grande cité korantienne où l’offre aurait été bien plus vaste. Elle achète une toge bleue à capuchon pour le « châtelain sorcier » et une robe de voyage luxueuse pour la « comtesse ». Pendant ce temps, Thémiséon se rend au camp militaire pour discuter avec Entos et lui faire part des évènements de la nuit précédente (en passant sous silence le meurtre commis par Malek), ainsi que du plan d’action formulé la veille. Entos soutient le plan et propose que l’armée suive les aventuriers à deux jours de marche. De cette manière, les troupes seront assez loin pour ne pas mettre en danger la couverture du groupe, et assez près pour pouvoir agir en cas de besoin. L’armée korantienne devrait ainsi être en mesure d’intervenir rapidement une fois que le Regard de Sayalis sera localisé. De plus, les aventuriers pourront guider l’armée en laissant des signes de leur passage et avertir les troupes en cas d’embuscade. Dans le cas où le siège d’une place forte garthari devienne inévitable, Entos demande à Thémiséon de transmettre des renseignements sur ses sources d’approvisionnement en eau, en nourriture et en matériel. Ne pouvant se permettre d’exhiber un symbole de Lanis s’il veut se faire passer pour un sorcier chaotique, Thémiséon en profite pour récupérer un aspis sans blason.

Départ vers les Monts ozyriens

Le 7 de lanthril 1218, peu avant l’aube, les aventuriers quittent l’auberge en catimini, vêtus de leur costume, et avancent d’un pas vif dans les rues vides, sous les volets fermés d’une Suthria encore endormie. Ils quittent la ville pour Grand-Roc, qui est située à environ un jour et demi de marche. La première journée du voyage s’écoule en douceur. Un paysage de champs céréaliers et de vignobles peu entretenus, ponctué de hameaux isolés et de quelques petits villages pittoresques, s’étale sur une campagne rendue vivante par l’apparition furtive de quelques fermiers. La nuit faisant son apparition, les aventuriers rebroussent chemin vers une ferme aperçue un peu plus tôt et demandent l’hospitalité de ses résidents. Ces derniers proposent de les héberger dans une grange située à une dizaine de mètres de l’habitation principale et veulent bien leur fournir le gite (6 pièces d’argent) et le couvert (3 pièces d’argent).

La nuit se déroule sans encombre, les aventuriers se relayant pour monter la garde et se reposer sur le sol couvert de paille et protégé du vent. Ce sera la dernière nuit de leur voyage (ou bien de leur vie ?) qu’ils passeront à l’abri des éléments. Le lendemain en milieu de journée, après une longue marche où le dénivelé du terrain augmente progressivement, le groupe arrive en vue d’un grand hameau, qui semble être Grand Roc. Quelques maisonnettes rudimentaires flanquent la rue principale et, au centre du hameau, on aperçoit une construction un peu plus grande qui ressemble à une auberge. En s’approchant, les aventuriers repèrent l’enseigne de l’établissement, où figure une chope rudimentaire, et notent la présence d’un enclos à droite du bâtiment. Sur le sol boueux de l’enclos, une dizaine d’hommes et de femmes nus et rachitiques sont enchainés les uns aux autres et attachés à la clôture comme des animaux. En Korantie, seuls les criminels ou les esclaves de guerre sont traités de cette manière dans les terribles mines de Tempigone. Quelques chevaux et poneys partagent cet enclos avec les humains. Deux hommes armés et menaçants, probablement des Korantiens, se tiennent devant l’enclos. 

Commentaires